Qu’y a-t-il de commun entre le Prozac, l’alcool, le Valium, la cocaïne, le Ritalin, la nicotine, le café et la marijuana ?

En d’autres termes, aucune caractéristique chimique ne peut distinguer entre un psychotrope appelé  » drogue  » et un autre appelé  » médicament « .

Qu’y a-t-il de commun entre le Prozac, l’alcool, le Valium, la cocaïne, le Ritalin, la nicotine, le café et la marijuana ? Tous sont des psychotropes et agissent sur le système nerveux central, modifiant l’humeur et la conscience. Quelle est la différence entre ces substances ? Si nous nous cantonnons aux effets physiologiques la réponse demeure simple : certains agissent en stimulant, d’autres en déprimant l’activité du système nerveux. Si nous élargissons notre perspective, au-delà du physiologique, la réponse se complexifie. Certains sont en vente libre, d’autres sont dispensés sur prescription médicale, d’autres sont carrément proscrits. Certains sont considérés dangereux peu importe la dose, d’autres deviennent médicinaux sous la houlette du médecin, toujours peu importe la dose. Parmi l’éventail des psychotropes, les chercheurs, les cliniciens, les décideurs et les membres du grand public ont longtemps fait la distinction entre deux grandes catégories de substances : d’un côté, les  » drogues « , de l’autre,  » les médicaments « .

Cette distinction date d’environ un siècle. Elle est apparue en Occident suite à la démonisation de la morphine. D’abord considérée comme analgésique miraculeux, la morphine fut ensuite classifiée parmi les fléaux de l’humanité. À partir de ce moment, certains psychotropes devinrent des  » drogues  » : interdits ou désapprouvés, on ne se préoccupera plus d’en distinguer  » l’usage  » de  » l’abus « . D’autres psychotropes devinrent des  » médicaments  » : approuvés par les pouvoirs publics et manipulés par des professions médicales en ascension, on les développera pour traiter des maladies.

Tantôt ange, tantôt démon, ou les deux à la fois, le psychotrope évolue en fonction des attitudes populaires, des groupes de pression et des décisions politiques, économiques et sociales. La distinction entre  » drogues illicites  » et  » médicaments  » ne repose pas sur des réalités biologiques mais plutôt sur des réalités sociales, culturelles, juridiques et politiques. En d’autres termes, aucune caractéristique chimique ne peut distinguer entre un psychotrope appelé  » drogue  » et un autre appelé  » médicament « . Pourtant, avec le temps, il y a eu une tendance au sein du gran public mais aussi dans une certaine mesure chez les professionnels de la santé, de tomber dans leur propre piège sémantique. La  » drogue  » et le  » médicament  » deviennent des entités matérielles distinctes avec du même coup, des propriétés pharmacologiques distinctes, le tout véhiculé par les jugements, préjugés et intérêts du moment (Stein, 1990). Comme toute distinction sémantique réifiée, puis solidifiée par le manque de sens critique et de conscience historique, la distinction entre drogues et médicaments peut s’envisager comme le résultat d’un processus classique  » d’étiquettage  » – où l’étiquette apposée sur un phénomène d’intérêt le décrit moins qu’elle ne le  » crée « . Un balayage historique des conceptions passées et contemporaines aide à démystifier le processus.

http://www.erudit.org/revue/smq/1997/v22/n1/502099ar.pdf

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